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KOGAN IS A PHOTOGRAPHER AND GRADUATED IN GRAPHIC AND FINE ARTS. HIS EXPRESSION FORMS PART OF THE TREND TOWARDS TRANSFORMING ABSTRACT-INFLUENCED FIGURATIVE ART,RESULTING IN THE CONTEMPORARY ART.THE ARTIST REFUTES ANY SPECIFIC INFLUENCE,WORKING BY INSTINCT,DIRECTLY ON CANVAS,RELYING ON HIS SENSIBILITIES IN TERMS OF POETICS AND HUMOUR. ALL OF HIS WORKS REPRESENT AN ENVIRONMENT IN WICH HUMAN AND SPIRITUAL DIMENSION ARE PRESENT,AND SUCH DISPLAY THE ENIGMATIC AND EVER-CHANGING SIDE OF HUMAN NATURE. HE EVINCES AN INNOVATIVE COMBINATION OF COLOURS AND METAL,IN ADDITION TO INTERPLAY OF CANVAS AND PIGMENT,HIGHLIGTHING UNEXPECTED FORMS AND TEXTURES. THE ARTIST ACKNOWLEDGES NO DEBT TO THE CLASSIS ABSTRACT ART, TOUGH HE DOES INVITE THE ONLOOKER TO IMAGINE AND APPRECIATE PRESENT-DAY ART, IN THE TRANSLATION OF A GRAPHIC SEMIOLOGY AND A SYMBOLS FOREST, MUCH AS CONVENTIONAL ART COULD BE APPRECIATED IN THE PAST IN A RHETORIC OF THE IMAGE. Norbert de ROSNY.

Thursday, 1 June 2017

Sommes-nous accros à l'empathie?





Sommes-nous accros à l'empathie?

C’est en son nom que les gens donnent leur temps, leur argent et parfois même leur sang. C’est l’empathie qui rend “je” si prompt à devenir temporairement autre, victime éphémère. JE SUIS le lieu d’un carnage, un peuple opprimé, des innocents massacrés… JE SUIS un enfant échoué sur une plage, un bébé tombé dans un puits, bientôt un chat coincé dans un arbre...

L’énigmatique formule “Je est un autre” de Rimbaud n’aura jamais été si massivement détournée et 
récupérée, elle pourrait même caractériser notre rapport moderne à la tragédie, notre attitude 
contemporaine devant la douleur des autres. Elle exprime notre volonté paradoxale d’être
 au plus près de ce qu’en réalité nous ne sommes pas et que nous redoutons de devenir. 
Affirmer être proche de la souffrance de l’autre au point de se confondre avec lui, 
n’est-ce pas utiliser le sentiment d’identification par pure commodité - voire complaisance 
– vis-à-vis de sa propre conscience ? JE SUIS une souffrance que je n’ai pas vécue et 
dont je n’ai pas idée et, par là même, la certitude qu’en l’observant avec une certaine
 dévotion je la maintiens à distance de ma propre expérience. En somme, JE ne SUIS 
rien d’autre 
que l’angoisse refoulée de ma propre souffrance.Entre le gladiateur qui se faisait 
exécuter et le spectateur qui venait frissonner, il n’y 
avait que la distance-rayon de l’arène. Lorsque l’hérétique se faisait brûler au bûcher,
 le badaud qui venait assister à l’effroyable scène n’en était séparé que par l’épaisseur 
de la fumée - … et l’infinie distance qui sépare l’être du néant. Aujourd’hui, entre les
 catastrophes du monde qu’on voit en temps réel sur nos innombrables écrans et notre
 goût prononcé du spectacle, il n’y a que la distance élastique d’une certaine hypocrisie,
 la géométrie variable de nos affects… et tout le confort de notre canapé. Car nous sommes
 plus que jamais dans l’ère de la « compassion-canapé » où, malgré la possibilité de 
zapper,on préfère bien souvent prolonger le spectacle et s’éplorer au chaud sur des 
atrocités. Du reste, plus le spectacle est déchirant, plus nous sommes aux premières 
loges et nous 
trouvons alors, en réalité, à des années lumières de l’empathie que nous sommes
 persuadés d’éprouver.
Attentats, séismes, guerres…. Les tragédies n’ont pas toujours été à ce point imposées
 à notre vision, notre conscience et notre responsabilité morale. Il y a aujourd’hui, 
avec la 
surmédiatisation de ces drames, une injonction non seulement à y assister mais aussi à
 y participer. Il faut non plus agir (l’action est quasi obsolète dans un monde de l’image) 
mais réagir, manifester immédiatement un sentiment : colère empreinte de désespoir, 
tristesse sincère et absolue...
 A mesure que le monde tremble et saigne, il faut que tous ceux qui en sont les témoins
 expriment – en quelques mots ça suffira – comment ils se situent par rapport à tout ça, 
ce qu’ils ressentent et surtout qu’ils affirment leur faculté intuitive à se mettre à la place
 des victimes. Si seulement ces élans spontanés d’empathie pouvaient aménager des 
perspectives efficaces, ce serait louable… Mais c’est méprendre les limites de la psyché
 humaine qui font que la plupart de nos actions sont davantage guidées par le souci 
d’éprouver un plaisir, d’éviter une souffrance que par la volonté (et même la capacité)
 d’être en symbiose émotionnelle avec toute l’humanité.Par ailleurs, cette même 
empathie qui nous procure temporairement bonne conscience n’est fondée que sur
 l’affect et fait tranquillement fi des autres dimensions propres à cette faculté.
 Car être dans l’empathie n’est pas seulement être sensible à la souffrance d’autrui, 
c’est aussi faire l’expérience d’une démarche cognitive, qui permet de discerner et
 comprendre, mais aussi comportementale, qui pousse à agir pour modifier la situation. 
Pourtant, il est toujours plus facile d’exprimer une vive émotion souvent encouragée 
collectivement, que d’évaluer une situation avec recul et lucidité afin 
d’éventuellement s’engager dans l’action. D’autant que les situations auxquelles nous
 assistons nous échappent souvent par leur grande complexité ou leurs nombreuses 
ambiguïtés (comme c’est le cas avec l’actuelle question des kurdes de Turquie ou 
encore l’attitude de l’UE face à la crise des migrants), c’est ce qui nous fait nous 
sentir démunis. Ce sentiment d’impuissance est intensifié à chaque nouvelle image, 
nouveau titre, nouvel hashtag alarmants qui envahissent notre quotidien et qui, au 
lieu d’aiguiser notre réactivité, bien au contraire viennent l’émousser. C’est ainsi 
qu’on en arrive à se reclure dans la chaleur protectrice de notre environnement et 
continuons à jouer l’hébétude indignée derrière nos écrans. Si les médias créent la
 surexcitation empathique avec brio, aucun doute que nous - spectateurs zélés - 
en produisons à merveille le sur-jeu émotionnel.Le problème, il faut le dire, 
c’est que notre curseur compassionnel n’est plus animé par notre instinct naturel à 
éprouver une solidarité vis-à-vis d’autrui, mais par le souci du regard que la société
 va porter sur nous. Car c’est elle qui ormule, principalement à travers ses médias et
 surtout les chaînes d’info en continu, l’ordre constant de soutenir le regard et de 
nous identifier à ce qu’on voit. Sauf qu’à force de regarder quasi machinalement 
on en arrive à assister parfaitement impuissants : d’observateurs avides d’informations
 nous devenons audience aussi désemparée que désespérée. Et il nous est alors presque
 impossible de quitter la salle de spectacle où, sous nos yeux écarquillés, 
les désastres ont lieu. Et contrairement à la scène d’Orange mécanique où la soumission
 aux images insoutenables a pour but de créer une aversion à l’égard de la violence, 
il semble que dans notre cas actuel, le flux incessant d’images aussi violentes que 
réelles crée une accoutumance – non loin de générer une certaine indifférence.
Aujourd’hui il n’y a pour ainsi dire pas de violence sans spectacle de la violence, 
et il ne peut y avoir de spectacle sans… spectateur. Alors qui qui sommes-nous, tous, 
qui assistons inlassablement à ces scénarios tragiques et donnons ainsi à la violence
 une bonne raison de se perpétrer ?Dans la sensationnelle histoire du terrorisme qui 
accapare nos vies depuis des mois, la trame n’est plus celle à laquelle nous sommes 
habitués des méchants qui affrontent les gentils. Il y a les méchants et leurs tactiques, 
les méchants et leurs complices, les méchants en Syrie, les méchants sous captagon, 
les méchants en boîte de nuit, les méchants avant d’être
 vraiment méchants, etc. L’histoire n’en est plus une, l’information n’en parlons pas,
 elle a complètement disparu au profit d’un acharnement narratif vide de sens et alarmiste. 
Les méchants en revanche doivent être contents qu’on parle autant d’eux car sans médiatisation, 
leurs actions seraient tuées dans l’œuf au bout de quelques frappes. Point de « terrorisme médiatique »
 sans terroristes, certes, mais pas non plus sans médias. Or pas de médias sans auditeur-spectateur.
 Alors, regardons-nous, quelques instants seulement, comme nous regardons le spectacle en permanence.
 Dans Traité de la violence (Gallimard, 1998) Wolfgang Sofsky écrivait :
 « Les spectateurs de la violence sont loin d’être une espèce disparue. 
Seuls ou en groupe ils sont tout aussi omniprésents que la violence qu’ils regardent. […] 
Le spectateur est une figure sociale,
 son comportement est un phénomène collectif. L’événement affecte son âme, ses sens cherchent
 des stimuli et des sensations. Les spectateurs se trouvent dans une relation d’immédiate action 
réciproque avec le spectacle. Leurs réactions et leurs attitudes ne sauraient donc se comprendre
 sans les effets de la violence ».L'existence des images de la douleur crée donc une sorte d'obligation 
 de regarder ou du moins de prendre position mais certainement pas en se transposant à la place 
de la victime. Le “je suis” systématique est un leurre absolu. Exercer son jugement moral exige
 bien plus que de se mettre à la place d’autrui.Il y aurait déjà plus de sens à questionner la possibilité 
d’un « nous ». L’essayiste américaine Susan Sontag, auteure de Devant la douleur des autres 
(Christian Bourgois, 2003) s'interroge sur la nature, la légitimité, voire le destin de ce « nous ». 
A l’heure de la fragmentation numérique et médiatique, ce « nous », conscience collective, 
n’est-il pas une fiction fabriquée sur mesure par les producteurs d'images ? Comment concilier
 la méfiance à l'égard de tous les appareils de pouvoir qui produisent et diffusent les images, 
et le désir de savoir quelque chose des images, à travers ou à propos d'elles ?Le progrès moral, 
s’il y en a un, ne consiste pas à croire naïvement qu’il faille élargir ce « nous » à la plus large
 entité possible, étendre le périmètre de nos préoccupations à l’humanité entière. 
Car il est tout simplement impossible d’éprouver de l’empathie pour sept milliards d’étrangers 
ou de ressentir à l’égard
 d’un inconnu le même intérêt que pour un être aimé. Peut-être faut-il d’abord accepter que 
l’immense majorité des gens continueront à préférer la destruction du monde à l’égratignure 
de leur petit doigt (pour reprendre la fameuse phrase de Hume) et, sans aller jusqu’à nous 
identifier à de purs inconnus, reconnaître que leur vie possède exactement la même valeur 
que la nôtre et celle de nos proches. Ce serait alors peut-être le début d’une histoire qui, elle, 
aurait un sens, un propos, un début et une finalité.



  •                         CLARISSE GOROKHOFF
    •                           ECRIVAIN JOURNALISTE                            


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